Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

Allan était en colère pour la première et unique fois de sa vie. Il but un whisky soda, fit un tour de voiture sans permis et une longue promenade en vélo mais sa colère ne diminuait pas. Allan savait bien que la vengeance ne servait à rien.  Et pourtant c’est de vengeance qu’il avait soif. Il prépara une charge de dynamite qu’il posa à proximité du poulailler et qui exploserait la prochaine fois que le renard s’aventurerait un peu trop loin sur le territoire des poules.  Dans sa colère, Allan oublia qu’il avait entreposé toute sa réserve d’explosifs dans une remise attenante au poulailler. C’est ainsi qu’à la tombée du troisième jour, on connut la plus violente explosion de cette région du Södermanland depuis 1920. Le renard sauta en l’air en même temps que les poules, le poulailler et la remise. L’explosion fut si violente qu’elle pulvérisa également la grange et la maison. Allan, qui était tranquillement installé dans son salon, s’envola sur son fauteuil et atterrit dans un tas de neige le long de la réserve extérieure où il entreposait ses pommes de terre. Il resta un moment abasourdi, avant d’articuler : plus de renard !

Pas question pour Allan Karlsson de fêter ses 100 ans en présence d’un florilège d’élus municipaux et de nouvellistes racoleurs conviés pour l’occasion à la maison de retraite. Déterminé  à ne pas céder à ces minauderies, notre fringant centenaire, n’écoutant que sa bonne conscience, enjambe la fenêtre de sa chambre et se fait la malle au nez et à la barbe de l’acariâtre sœur Alice. Chaussé de charentaises, parce qu’il a oublié de mettre ses chaussures, Allan est bien décidé à fuir aussi loin que le permet son billet de 50 couronnes. Alors qu’il attend le bus, il dérobe une valise pensant y trouver quelques effets qui lui seraient utiles, mais c’est un tout autre contenu que cache ce précieux bagage ! A la suite de ce chapardage, Allan se retrouve en cavale avec à ses trousses une bande de truands et la police. Rejoint en cours de route par des compagnons d’infortune… ou de fortune, l’escapade prend une tournure rocambolesque. Cependant, pas de quoi déstabiliser Allan car pour cet expert artificier apolitique qui a commencé sa carrière à 16 ans chez Nitroglycerin AB, la vie n’a jamais manqué d’éclat.

Premier roman et succès immédiat pour l’écrivain suédois Jonas Jonasson. L’histoire de ce papy fugueur expert en explosifs est absolument drôle, amusante, cocasse, désopilante voire même extravagante. Ca part dans tous les sens à la manière d’un feu d’artifice. Véritable remède à l’humeur cafardeuse Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire est à l’opposé de l’introspection morose d’une certaine littérature actuelle. L’auteur, à l’imagination débordante, met en scène une galerie de personnages truculents et fantasques mais tellement attachants. Le récit de ce facétieux centenaire est aussi l’occasion de se remémorer les événements marquants de ce siècle écoulé. Le ton délicatement ironique et le regard décalé sur la société n’est pas sans rappeler l’œuvre du finlandais Paasilinna et notamment le périple de Vatanen et de son lièvre.

C.V.

JONASSON, Jonas. Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire. Paris : Presse de la Cité, 2011. 453 p.