Le rire de Schéhérazade et autres récits : ce que les médecins humanitaires n'osent pas dire, Marie Bruyns l'a écrit…
14 novembre 2012Il n’y a qu’à toi que je peux raconter ce qui va suivre. Et je sais d’avance ce que tu vas me dire après lecture : repose-toi.
Tu n’imagines pas ce qui m’est arrivé ce matin.
J’étais en route vers l’hôpital d’Herat. Je marchais dans une rue curieusement baptisée Student street (il n’y a plus d’université ici), tranquille dans la douceur matinale. À peine un souffle de ce vent sableux qui empoussière tout l’Afghanistan. Je marchais à l’ombre des pins parasols doucement balancés, le nez en l’air à écouter chanter les quelques oiseaux qui survivent à la famine et aux explosions. Pourtant, j’étais préoccupée par le cas de Farzana, dix ans, qui présente des plaies bizarres sur tout le corps. Je n’arrive pas à comprendre si c’est une maladie rare, de la maltraitance ou de l’automutilation. Ses parents ne sont pas pauvres et c’est la seule survivante d’une fratrie de huit. Difficile de saisir la dynamique d’une famille si différente des nôtres. Mes habituels casse-têtes humanitaires.
Marie Bruyns a mené une carrière de gynécologue à Bruxelles et s’est engagée un temps comme médecin humanitaire à divers endroits de la planète. Avec Le rire de Schéhérazade et autres récits, elle transmet par le biais de la fiction les expériences vécues par ces expatriés volontaires au Congo, au Liberia ou encore en Afghanistan. Dans ce recueil de textes courts mais concentrés et puissants, se révèlent des hommes et des femmes qui pansent les plaies de peuples exsangues, fragilisés par la faim, la guerre et la maladie. Les médecins humanitaires quittent un monde aseptisé pour un autre, quasi moyenâgeux, où les médicaments sont le plus souvent insuffisants, lorsqu’ils ne disparaissent pas mystérieusement.
Les motivations de ces médecins de l’extrême sont variées mais tous ont à cœur de soulager les populations en détresse alors que tout concourt à leur échec : l’instabilité politique du pays, le joug des traditions religieuses ou encore l’opportunisme international. Tandis que certains s’obstinent, d’autres renoncent. Car dans cette aventure humaine, il y a aussi la confrontation à ses propres limites.
Lorsqu’on clôt ses quelques pages, Le rire de Schéhérazade et autres récits résonne encore un peu dans la mémoire du lecteur et offre un terrain propice à la réflexion.
L.S.
BRUYNS, Marie. Le rire de Schéhérazade et autres récits. Charleroi : Couleur livres, 2011. (Collection JE). 146 p.
Il semblerait que la douce et tendre Schéhérazade ait passé l’âge des contes de fée.
[…] Ce que les médecins humanitaires n’osent pas dire, Marie Bruyns l’a écrit. Elle propose un ouvrage intéressant tant par sa qualité narrative que par la manière inédite dont l’expérience de la médecine humanitaire est abordée : http://bibliothequelaregence.wordpress.com/2012/11/14/le-rire-de-scheherazade-et-autres-recits/ […]