Le dernier des Mohicans

27 juin 2010 Par bibliothequelaregence

Dernière née des éditions Soleil, la collection Noctambule surfe sur la vagueDernier des Mohicans - Couverture des adaptations littéraires. Après A bord de l’Étoile Matutine en 2009, librement adapté d’un roman de Pierre Mac Orlan et plutôt bien accueilli, elle publie cette fois Le Dernier des Mohicans revu par Cromwell et Catmalou. L’œuvre originale de James Fenimore Cooper est ici revisitée et transformée par les auteurs en véritable roman graphique qui, s’il ne cadre pas du tout avec la bande dessinée mainstream* habituelle, est un ravissement pour les mirettes.
Déjà vu et revu par le cinéma, c’est aujourd’hui la bande dessinée qui repense ce monument de la littérature américaine. Nous sommes en 1757, au cœur de la Bataille de Fort William Henry qui oppose les troupes du général français Montcalm à celles du colonel britannique Munro, lequel attend vainement le concours du Général Webb. Malheureusement, le message demandant l’intervention de ce dernier a été intercepté alors qu’entre-temps les filles de Munro se sont mises en route pour rejoindre leur père. Escortées par le Major Duncan Heyward, elles sont guidées par Magua, un Indien de la tribu des Hurons qui les entraîne dans un guet-apens. Deux Mohicans et celui qu’on appelle Longue Carabine viennent leur porter secours.
On ne s’attardera guère sur le scénario assez respectueux de l’œuvre originale, si ce n’est pour dire que les ellipses** sont nombreuses, point besoin de palabres inutiles pour saisir l’essentiel. Le texte est d’ailleurs plus présent en fin d’album qu’en son début, comme pour souligner l’accélération subite des évènements. Ce qui retiendra surtout l’attention, c’est le graphisme somptueux qui vient illustrer l’histoire. De ce point de vue, on aura rarement vu une œuvre de cette qualité qui, à ce titre, n’a qu’un rapport ténu avec la bande dessinée telle qu’on la connaît ordinairement.
Doté d’un format particulier et d’une pagination libre, l’album présente des planches réalisées par Cromwell, lesquelles Le Dernier des Mohicans - planche ressemblent davantage à des toiles où les cases et les phylactères n’ont pas leur place. La mise en couleurs présente aussi une véritable originalité en ce qu’elle a été entièrement réalisée à la peinture acrylique dans un domaine qui utilise plus volontiers l’aquarelle et surtout le numérique. Pour preuve, les  « pâtés » de couleurs sont visibles et vous ne pourrez retenir une exclamation de ravissement devant tant de maîtrise et de culot. Car il fallait oser, l’originalité ne garantissant pas le succès…
En mai 2010, les toiles de Cromwell – parmi lesquelles les planches originales du Dernier des Mohicans – ont fait l’objet d’une exposition organisée par la célèbre galerie parisienne Daniel Maghen, où elles ne se sont pas vendues à moins de 900 € pièce, certaines pouvant atteindre la somme de 2000 €. C’est dire leur qualité !

* Courant principal, plus  » commercial « , de la bande dessinée, par opposition à la bande dessinée indépendante ou alternative.
** Ellipse : une  » ellipse temporelle « , également appelée  » ellipse narrative « , consiste à passer sous silence une période de temps c’est-à-dire à ne pas en raconter les évènements. Ce  » blanc  »  artistique contraint le lecteur à imaginer les cases qui sont entre les cases.

L.S.

CATMALOU et CROMWELL. Le Dernier des Mohicans. Genève : Soleil, 2010.