L’argent : Sa vie, sa mort / CARRIERE, Jean-Claude

Le parallèle pourrait peut-être se développer : naissance d’une idole, affublée de toutes les prérogatives des idoles d’autrefois, ambitieuse, grignotant petit à petit les territoires avoisinants, se déclarant un jour souveraine, bienfaisante, impeccable – et faillible, à la fin, comme celles qui l’ont précédée. Une divinité de plus dans la longue guirlande que nous avons tressée.

Une immanence tournant à la transcendance. Et une transcendance conduisant par défaut, comme toutes les autres, à l’inexistence et à l’impuissance.

Quant à notre place, elle est banale. Un créateur dépassé, dévoré par sa créature.

Vieille histoire.

« In God we trust ». Cette devise figure sur les billets de banque et les pièces de monnaie américaines tandis que le mot « monnaie » serait issu de l’épouse de Jupiter, Juno Moneta. Le destin de l’argent était-il donc tout tracé ? Dieu est mort, vive dieu. Le dieu clinquant, puissant et capricieux. L’auteur évoque un « être-vivant », doué d’une vie propre et hors de contrôle, mais aussi vénéré comme le Divin. Tout se vend, tout s’achète. Même le futur. Sa volonté est faite. La spéculation règne.

Les mots sont durs pour désigner la « putain universelle pour qui les nations s’entretuent ». Pourtant, beaucoup souhaitent en hériter d’une manière ou d’une autre.

Avec cet essai, Jean-Claude Carrière engage une réflexion sur l’argent, sur son histoire et ses métamorphoses. L’auteur analyse finement, en digne pamphlétaire un tantinet moralisateur, les liens interlopes qui nous unissent à ce qui est rejeté par principe mais qui est convoité le plus souvent. A sa façon, il spécule gratuitement sur l’avenir d’une monnaie de plus en plus volatile et immatérielle.

L.S.

CARRIÈRE, Jean-Claude. L’argent : Sa vie, sa mort. Paris : Odile Jacob, 2014. 275 p.