Corruption

Elle finit par s’effondrer en pleurs et enfouit sa tête dans ses mains. La reine se pencha en avant et la pressa contre sa poitrine.

Elle se rasséréna enfin. La reine lui avait donné un mouchoir qu’elle serrait et tordait entre ses doigts. Elle reprit son récit, mais en courbant tellement la tête que je ne voyais que la calotte de sa coiffe blanche.

« Il s’est installé dans son logement, près du fleuve. Il venait me voir presque tous les jours. Il m’a dit qu’il cherchait du travail, qu’il avait fait lui-même une déposition auprès de la Cour des tutelles et qu’il avait payé les frais d’enregistrement. J’ai eu le sentiment qu’il semblait désormais un peu plus détendu, mais, les jours qui ont suivi, il a eu à nouveau les traits tirés… Plusieurs jours ont passé sans qu’il vienne me rendre visite, puis un matin l’exempt de police du quartier s’est présenté et m’a annoncé… que mon fils avait été retrouvé mort dans sa chambre, poursuivit-elle en levant des yeux chavirés de chagrin. Il s’était pendu à une poutre. Il m’a laissé un mot. Je l’ai là. Messire Warner m’a dit que je devais l’apporter pour vous le montrer.

– Puis-je le voir ? »

Elle sortit de sa robe un morceau de papier sale, plié. Elle me le remit d’une main tremblante. Je le dépliai et lus ces mots griffonnés : « Pardonne-moi, maman. » « Est-ce bien son écriture? demandai-je. »

La dernière épouse d’Henri VIII, la  reine Catherine Parr demande à Matthew Shardlake d’enquêter sur le prétendu suicide du fils d’une de ses fidèles suivantes. Le précepteur Michael Calfhill se serait pendu mais sa mère doute qu’il se soit donné la mort. Le jeune homme avait récemment déposé plainte contre la famille Hobbeys, laquelle avait obtenu la tutelle d’Emma et de Hugh Curteys. Depuis la mort de la jeune Emma, les Hobbeys ne s’occupent plus désormais que du patrimoine de Hugh Curteys, lequel selon Calfhill a été ignominieusement traité. Matthew Shardlake, accompagné du fidèle Barak , doit donc se rendre à Hoyland pour vérifier que Hugh Curteys est bien en sécurité. Il profitera de ce voyage pour rejoindre Rolfswood où se trouve, pense-t-il, la clé du mystère qui garde Ellen enfermée à Bedlam…

Pendant ce temps, une nouvelle guerre franco-anglaise se prépare en réponse aux provocations répétées d’Henri VIII. Un débarquement français imminent menace l’Île de Wight et Portsmouth, situé non loin de Hoyland. Matthew Shardlake doit à tout prix éviter de croiser le chemin du Roi, pour qui il n’est plus en odeur de sainteté, et de se retrouver au cœur des combats.

C.J. Sansom nous montre un Matthew Shardlake malmené et en proie à son pire cauchemar. Désireux de plaire à la Reine, l’avocat s’obstine, tâtonne, avance peu dans son enquête et en profite pour nous en apprendre beaucoup sur l’armée de terre et surtout sur la flotte anglaise… jusqu’au magistral bouquet final. Une sombre affaire de famille et une vengeance soigneusement ourdie par les plus hautes autorités du Royaume d’Angleterre font de ce dernier Sansom un excellent cru.

L.S.

SANSOM, C. J. Corruption. Paris : Belfond, 2011. 683 p.