Jolies ténèbres

24 mars 2010 Par bibliothequelaregence

Difficile de résumer ce conte macabre pour adultes. D’autant qu’il ne fait pas appel à l’esprit rationnel ou logique du lecteur, il le prend aux tripes. Aurore, le personnage principal, a des allures d’une Alice au pays des merveilles alors qu’elle évolue au pays des horreurs dont la plupart des héros sont des gamins méchants et cruels.
En bref, alors qu’Aurore prend le goûter avec Hector, son Prince Charmant, les murs et plafonds de guimauve s’écroulent soudain. Ils prennent la fuite. Une fois dehors, le lecteur constate qu’ils ont surgi du corps inanimé d’une petite fille allongée dans un bois. Mais ils ne sont pas seuls à fuir, d’autres créatures minuscules émergent de ce corps désormais inhospitalier qui s’avèrera vite être un cadavre. Livrée à elle-même, la petite communauté s’organise comme elle le peut dans cette forêt hostile. Aurore prend les choses en main et s’occupe soigneusement de chacun, recevant bien peu en retour.
Le graphisme est relativement simple, mais tour à tour charmant et agressif, tandis que le scénario est franchement amoral. Pourtant, ce dessin enfantin qui porte nettement la signature des Kerascoët (Miss pas touche) est parfaitement adapté à l’histoire qui effleure l’absurde. La cruauté de certains épisodes qui se déroulent dans l’indifférence générale est poignante. Et parfois, contre toute attente, elle fait honteusement naître un sourire sur les lèvres du lecteur. On est frappé, interpellé, choqué et ce peut-être d’abord par nos propres réactions,…
Le lecteur s’interroge beaucoup sur la nature de ces petits personnages surgis du cadavre de la fillette. Qui et que sont-ils ? Peu de réponses en vérité. Finalement, les auteurs nous laissent libres d’interpréter comme on le souhaite. En fermant cet album… un instant de malaise.

L.S.

KERASCOET et VELHMANN, FABIEN. Jolies ténèbres. Charleroi : Dupuis, 2009.