6ème journée du livre numérique

7 février 2011 Par bibliothequelaregence

L'ebook ou le livre papier ? Telle est la question...Ce 7 février 2011, c’est la 6ème journée du livre numérique. Ces journées ont été créées à la demande du Conseil du livre, de la Commission d’aide à l’édition et de la Commission d’aide à la librairie. Peut-être possédez-vous un de ces fameux ebooks ? L’idée de contenir toutes les connaissances du monde sur un seul support est évidemment séduisante mais le Kindle, l’I-Pad et Cie. offrent-ils le même confort qu’un livre en pages et en encre ? Quelles seraient les conséquences du succès du livre numérique sur les bibliothèques publiques à plus ou moins long terme ? A l’heure où déjà 9% des livres achetés aux USA sont numériques, les bibliothèques de livres papier sont-elles amenées à disparaître ?

Le livre numérique voit le jour en 1971 (eh oui, déjà !) sous la forme du Projet Gutenberg. Son concepteur, Michaël Hart, espérait distribuer gratuitement les œuvres du domaine public par voie électronique et a fait de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis le premier document numérisé. L’apparition d’Internet quelques temps plus tard permettra d’élargir l’horizon numérique en se réduisant toutefois à un public très restreint (entreprises,…).

Ce ne sera que dans les années 90, dès l’apparition du Web (World Wide Web), que le document numérique* fera son entrée dans les chaumières. L’accès à Internet étant offert à un public plus large, l’intérêt pour le livre numérique peut renaître. En 2009, plus de 32.500 ebooks (gratuits) étaient disponibles sur la toile. Aujourd’hUn panel de quelques livres électroniques disponibles sur le marchéui, Amazon.com compte à lui seul plus de 80.000 titres (en langue anglaise).

Dès 1999, les premiers supports de lecture et autres « liseuses » commencent à apparaître. Du Cybook à l’I-Pad de Apple (2010) en passant par le Kindle commercialisé par Amazon (2007). Rien n’arrête l’évolution de cette « nouvelle » technologie, la Fnac s’y mettant aussi avec son nouveau Fnacbook. Toujours plus performante, toujours plus confortable, toujours plus compétitive. Désormais, ces appareils permettent également d’annoter ses lectures et même de feuilleter les pages !

La fin des bibliothèques publiques ?

N’ayez crainte pour l’avenir du livre. Quel que soit son format, il se porte très bien. Naturellement, les auteurs, les éditeurs et les libraires tentent de tirer le meilleur parti possible du phénomène. Les auteurs les moins connus y voient l’avantage d’échapper à la sélection drastique des éditeurs de livres papier tandis que la question des droits d’auteur continue à poser problème. Les éditeurs, quant à eux, ont vite compris l’intérêt financier que le livre électronique représentait et les librairies en ligne tirent aussi leur épingle du jeu : Amazon.com et Fnac.com commercialisent les appareils de lecture et un catalogue impressionnant de titres.

Aux Etats-Unis, on annonce déjà que les ventes d’ebooks égaleront celles du livre papier en 2015. Mais nous sommes en Europe et la sauce tarde à prendre pour différentes raisons**, notamment à cause du prix élevé des appareils.

La question qui s’impose à nous, qui nous intéressons à notre chapelle, est de savoir si l’ebook pourrait à plus ou moins long terme déclasser le livre papier et a fortiori avoir pour conséquence de faire disparaître les bibliothèques publiques ?

Quand Internet s’est invité dans les maisons, la même question sur la pérennité des bibliothèques s’est posée. Mais parce qu’elles ont su intégrer intelligemment le numérique, il s’est avéré que cette crainte était injustifiée. Le taux de fréquentation n’a quasiment pas baissé. N’en serait-il pas de même avec le livre électronique ?

Peut-être bien, peut-être pas… Il est vrai que le marché américain se porte bien, avec quasiment 1 livre sur 10 vendu en format numérique. Mais le marché européen est différent, notamment parce que sa culture n’est sensiblement pas la même. Il suffit de constater que 66% des Américains fréquentent les bibliothèques contre 18% en Belgique et en France…

Et puis, au-delà de l’intérêt que suscite toute nouvelle technologie et le confort grandissant des appareils de lecture, les avis sont tout simplement partagés. Les puristes s’insurgent contre la tyrannie du numérique, en évoquant leur goût pour le livre*** en tant qu’objet. Il y a aussi le fait, pour les lecteurs de transports en commun notamment, qu’un livre peut tomber sans se casser et suscite moins la convoitise qu’un I-Pad.

ConcrètDoit-on se préparer à enterrer les livres papier ?ement, du côté des bibliothèques publiques de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, le nombre d’inscrits individuels a légèrement diminué. Alors que, paradoxalement, le nombre de prêts de documents a augmenté… Peut-on véritablement attribuer cette baisse de fréquentation au succès du livre électronique ?

Inutile d’aller à l’encontre d’une progression inévitable, les bibliothèques publiques auraient tout intérêt à intégrer cette nouvelle technologie. Une relation entre elles n’aurait rien de contre-nature. Plusieurs bibliothèques européennes (France, Espagne,…) ont déjà tenté l’expérience, ce qui n’est pas encore le cas en Belgique****.

Reste que le rôle majeur des bibliothèques est d’offrir à tous, sans distinction, un accès facile et démocratique à la culture. Il n’est pas sûr que les ebooks répondent à cette « louable » intention. Lors de son discours pour le Prix Nobel en 2008, J.M.G Le Clezio a émis l’idée que : « La culture est notre bien commun, à toute l’humanité. Mais pour que cela soit vrai, il faudrait que les mêmes moyens soient donnés à chacun d’accéder à la culture. Pour cela, le livre est, dans tout son archaïsme, l’outil idéal. Il est pratique, maniable, économique. Il ne demande aucune prouesse technologique particulière, et peut se conserver sous tous les climats. Fournir en écrans à cristaux liquides la plus grande partie de la population relève de l’utopie. Alors ne sommes-nous pas en train de créer une nouvelle élite, de tracer une nouvelle ligne qui divise le monde entre ceux qui ont accès à la communication et au savoir et ceux qui restent les exclus du partage ? »

Et vous qu’en pensez-vous ?

L.S.

* A noter que la numérisation des livres comprend aussi les livres audio lancés en 2003.

** http://www.ebouquin.fr/2010/01/01/france-le-livre-numerique-ne-fait-pas-recette-pour-linstant/

*** Le livre ou la bande dessinée. Le site IZNEO, par exemple, propose la lecture de BD en ligne.

**** L’Université Libre de Bruxelles a demandé la participation de ses lecteurs pour utiliser quelques appareils à titre comparatif.