La mémoire est une chienne indocile par Elliot Perlman

16 novembre 2016 Par bibliothequelaregence

la-memoire-est-une-chienne-indocile-eliot-perlmanAlors qu’il est en probation dans un hôpital, un jeune Noir du Bronx se lie d’amitié avec un patient, survivant d’Auschwitz. Monsieur Mandelbrot raconte à Lamont Williams le soulèvement du Sonderkommando, lequel était constitué de prisonniers forcés de participer au processus d’extermination.

Parallèlement, alors qu’il cherche la preuve que des Afro-Américains ont participé à la libération des camps, Adam Zignelik, professeur d’histoire en sursis à l’Université de Columbia, exhume un document sans précédent : les premiers témoignages sonores des rescapés de l’Holocauste.

Plusieurs récits et une multiplicité de personnages s’entrecroisent. S’ils ne se connaissent pas, ils sont tous reliés par un événement, un lieu, une personne ou un passé commun. Chacun constitue un fil de la trame.

Si l’Holocauste est une marque d’infamie pour l’Europe, il n’est dans l’histoire américaine qu’un épisode, une anecdote parmi d’autres. La lutte pour les droits civiques, par contre, c’est une autre histoire… Le lien qu’Elliot Perlman fait entre le génocide juif et la lutte pour les droits civiques est salvateur. Le message est clair : se méfier de l’histoire unique et être unis dans la lutte pour plus de justice sociale.

 « La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laissera ni convoquer ni révoquer, mais ne peut survivre sans vous. Elle vous nourrit comme elle se repaît de vous. Elle s’invite quand elle a faim, pas lorsque c’est vous l’affamé. Elle obéit à un calendrier qui n’appartient qu’à elle, dont vous ne savez rien. Elle peut s’emparer de vous, vous acculer ou vous libérer. Vous laisser à vos hurlements ou vous tirer un sourire. C’est drôle, parfois, ce qu’on peut se rappeler ».

A l’heure où « le grand progrès du 20e siècle est le stockage », le travail de mémoire devrait-il s’imposer ou être forcément facilité ? A quels enjeux répond-il ? Que nous apprend cette mémoire impérieuse, parfois fantasque, parfois traîtresse ?

L’auteur australien entraîne le lecteur dans un chavirant kaléidoscope et le projette dans un large spectre spatio-temporel : de Cracovie à Auschwitz, en passant par les ghettos de Varsovie, New-York et Chicago, avec aussi un retour à Melbourne. Même s’il souffre de quelques longueurs, ce formidable récit s’interroge sur la résilience, la transmission d’une mémoire et d’une langue, l’indicible et l’innommable.

 « Dites à tout le monde, ce qui s’est passé ici, dites à tout le monde ce qui s’est passé ici, dites à tout le monde … »

L.S.

PERLMAN, Elliot. La mémoire est une chienne indocile. Paris : 10/18, 2013. 779 p.